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Michaël Boudreau

Apprendre à aimer sa montagne


 

J’aime ma montagne

Sa grandeur m’impose le respect

Sentiers sécurisants

Sentiers où se perdre

Sentiers boueux et rocailleux

 

Au cœur des ascensions

Les angoisses se détachent en grappes

 

Matin de petits fruits

Nuits pleines de lunes

Soleil de midi à savourer

Humble et inerte en son flanc

 

Elle m’embrasse et me rappelle

La fragile beauté permanente.

 

Je ne suis jamais hors d’elle

 

Pourtant, il m’arrive d’imaginer

Que je gis sous elle

Broyé par ses éons

Cataclysmé à l’état de poussière

 

Alors mes dents se serrent

Comme pour résister

À l’inéluctable

 

Et plus je résiste et plus le reste de l’univers s’en mêle.

 

La lune, le soleil, la galaxie

Toute la matière

S’affale sur moi comme un matou qui se prélasse

Je redeviens atome, soupe primordiale

Singularité.

 

Je redeviens silence



 

J’aime ma montagne

 

Elle me séduit et me terrorise

Tout à la foi

 

Que je la regarde avec douceur, perversité, admiration, dégoût,

Confusion ou certitude; il me faut accepter une chose.

 

Tant que je l’observe, c’est elle qui me regarde. Et j’ai beau m’efforcer de lire sur ses lèvres, sa brise-chuchotement inaudible, je sais pertinemment qu’elle ne transmet ses savoirs sacrés qu’à travers une langue qui ne peut être comprise que par mes poumons et mes pas.



Michaël Boudreau



Crédit photo: Kasuma


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